The Good Place – Dans les Starting Blocks

Techniquement le début de la saison 3 de The Good Place existe déjà. Le double épisode diffusé hier soir aux Etats-Unis est à portée de main*, mais il n’existe pas encore dans ma tête, dans ma vie, dans mon coeur, parce que je voulais écrire cette petite bafouille avant de franchir ce cap.

Cela va faire 2 ans que je regarde The Good Place. J’ai entamé le dernier bébé de Mike Schur à l’heure de ses débuts, à la rentrée 2016. Le pilote était parfaitement plaisant, et je dois bien vous l’avouer:  je regarderais n’importe quoi avec Kristen Bell et Ted Danson. Pourtant en commençant l’épisode 3 je me suis presque lassée. Finalement je ne voyais pas complètement l’interêt de ce pitch…

Pour ceux qui n’ont pas regardé la série, on arrive déjà au premier Spoiler: allez regarder les premières 10 minutes du chapitre 1! C’est bon? Vous y êtes? Où en étais-je.. Ah oui!

Je n’étais pas sûre d’avoir envie de voir une série qui se passait après la mort. Moi c’est la vie, et la terre qui m’intéressent… bref j’ai lâché… et puis j’en ai entendu parler à droite à gauche, je me suis dis qu’il était temps de m’y remettre, sauf qu’entre temps l’élection américaine était passée par là et j’étais dans une phase aigüe de mal-être. Mes angoisses ont toujours eu un caractère existentiel, et quand je suis dans une passe sombre, toute mention de quelque question métaphysique qu’elle soit devient très dangereuse. En réalité tout ce qui rappelle l’insignifiance de notre existence me fait perdre pied, je ne supporte par exemple aucune référence à l’astronomie (oui oui je me soigne.. enfin plus ou moins… je vous raconterais ça un autre jour… sinon je vais vous prendre votre journée). Tout ça pour dire que j’ai re-tenté The Good Place dix secondes durant en novembre et j’ai vite réalisé que c’était trop explosif pour moi. C’était ironiquement un signe de la profondeur de la série que j’avais vaguement ignoré au premier visionnage. Quelques mois plus tard, j’ai fini par re-plonger dans la saison 1 pour la dévorer d’une traite. J’avais entre temps réalisé que la série qui m’avait le plus aidé suite à l’élection de Trump était une autre série co-créée par Mike Schur Parks & Recreation que j’ai re-binger durant tout le mois de novembre (apparement une activité que beaucoup d’américains de gauche ont pratiqué au même moment… #YaPasdeMystères).

Quand je repense à ces mois perdus j’ai un peu envie de me taper sur les doigts. Mais j’aime à penser que cela prouve qu’il n’est jamais trop tard pour (re-)découvrir la série. Que je suis parfaitement placée pour vous dire que si VOUS n’avez pas encore vu ce pilote, ou pire vous vous êtes arrêtés à l’épisode 3 ou 4, vous pouvez, devez reprendre! (Je dis pire parce qu’on est tous beaucoup moins à même de donner une chance à une série dont on a vu quelques épisodes). 

Pourquoi? Et bien j’ai décidé de vous donner de vraies réponses à cette question. Tangibles, pleines d’arguments concrets et de considérations fondamentales… la liste semblera redondante au premier abord mais je vous jure que ce n’est qu’une apparence, comme la série cet article mérite qu’on lui donne une chance. Et si vous êtes déjà fan de la série, j’espère que mes raisons sauront aussi vous éclairer sur votre propre attachement.

Argument 1 – The Good Place est une bonne série

Commençons par l’approche la plus cynique. Si vous vous êtes retrouvé sur ce site, votre intérêt pour les séries est plus que périphérique. Or vous ne pouvez pas vous intéresser au genre et ne pas donner sa chance à une série tant aimée des critiques. Si chez nous on en parle moins, on en parle quand même et de l’autre côté de l’Atlantique on n’arrête pas. L’institutionnel TV Guide vient de placer la série à la tête de sa liste tout simplement intitulée: Here Are the 100 Best Shows Right Now. Vous devez à votre sériephilie d’en avoir le coeur net (dis celle qui n’a jamais vu un épisode de The Walking Dead… mais de ce qu’on m’en a dit y a moins de blagues et y a pas Kristen Bell…). 

ATTENTION: Il est par contre impératif de regarder l’intégrale de la saison 1. Il est impossible de comprendre le propos de la série et sa forme sans avoir suivi les montagnes russes du récit. Mais ne vous faites pas spoiler, chaque épisode se termine sur un retournement de situation, profitez pleinement du jeu!

Argument 2 – The Good Place est une bonne série

Moins cyniquement, une des raisons pour laquelle cette série est tant admirée est qu’elle constitue un étalage d’excellence presque indécent. L’extrême compétence (en plus du talent) de tous les membres de l’équipe de cette série, devant et derrière la caméra donne le vertige. Les séries américaines sont une telle denrée de consommation qu’on a tendance à oublier la quantité de professionnalisme et de créativité nécessaire à les créer. Surtout quand il s’agit de séries d’une grande chaîne come NBC, surtout quand il s’agit de comédies. Pour tout un tas de raisons absurdes, on n’accorde pas le même respect à ce qui nous rend heureux qu’à ce qui nous rend triste, alors qu’il est presque cliché d’admettre qu’il est bien plus difficile de faire rire que de faire pleurer. Quoiqu’il en soit les petites mains, les gros cerveaux et les coeurs gonflés qui oeuvrent à faire de cette série le petit bijou qu’elle est, démontrent une diligence et un engagement impressionnant. Comment je le sais? Facile, j’ai écouté TOUS les épisodes de The Good Place – The Podcast. Ce cadeau des dieux de NBC, présenté par Marc Evan Jackson (Shawn), est un plaisir de fan, mais surtout un cours de production. Les 26 épisodes passent en revue chaque « chapitre » de la série, mais nous donnent surtout l’occasion d’écouter un éventail impressionnant de membres de l’équipe. De la décoratrice au deuxième assistant, en passant par l’assistante de la Writer’s Room. Si vous vous êtes jamais demandé comment une série américaine était fabriquée, vous allez être servi. Je collectionne les infos sur  les Making of de séries depuis 20 ans et je n’en ai jamais autant appris.

J’ai surtout eu la confirmation de quelques unes de mes convictions sur la création de séries: L’excellence artistique ne nécessite pas un environnement de conflit et de violences (psychologiques ou autres). Il est temps de tuer ce mythe! Tout au long du podcast il est répété qu’une des raisons de l’immense dévouement de TOUS ceux qui travaillent pour cette série est lié à l’excellent traitement que leur reserve Mike Schur. Je le dis tout de suite à tous les cyniques qui me lisent je ne doute absolument pas de la véracité de cette observation. La force d’une série est intimement liée à l’importance de son sujet aux yeux de son/ses créateurs. Le « High-Concept » de The Good Place n’est pas une idée maline qu’ils ont réussi à traire pour remplir 21’30 chaque semaine. C’est la manifestation d’une réelle préoccupation de Schur, partagée par ses auteurs, ses acteurs, ses créatifs et ses spectateurs. Une série a besoin d’une âme, sinon elle s’éffrite de l’intérieur, et finit par s’effondrer comme un vieux soufflé raté.

Argument 3 – The Good Place est une BONNE série

Le sujet de The Good Place est à la fois le plus simple et le plus compliqué qui soit. Kristen Bell citait récemment Ted Danson dans le podcast de son mari : « It’s an ethics lesson, wrapped in a fart joke » (c’est une leçon d’éthique emballée dans une blague de pet). Je dirais c’est une série sur le fait d’être bon. Pourquoi, comment, avec qui être bon? Ironiquement c’est un peu le sujet de base de toutes les séries traditionnelles. Avant l’avènement de l’anti-héros, le principe même du héros de série était d’être bon. Assez bon pour être un exemple, que l’on avait envie de suivre chaque semaine, de Zorro à Perry Mason en passant par Mary Tyler Moore. Mais ici on a quelques éléments supplémentaires déterminants. D’abord la blague de pet, ou autrement dit la volonté de The Good Place de nous faire rire avec tous les outils disponibles, y compris l’humour le plus basique et infantile (le nombre de jeux de mots hasardeux cachés dans le décor de la série est ébouriffant). Ce qui permet aussi à la série de ne jamais trop se prendre au sérieux. Par contre,  elle nous prend NOUS spectateurs au sérieux, elle prend aussi au sérieux l’intégrité de ses personnages et de leur parcours, émotionnels ET éthiques. Car les héros de l’ancien temps de la télévision était souvent « bons » de la façon la plus stéréotypée possible, et leur « bonté » était plus une représentation des normes sociales de l’époque, y compris sa répression des sujets tabous, dérangeants, atypiques, etc…, qu’une représentation des convictions de ses auteurs. Et cela peut faire mal de regarder une vieille série dont le compas moral était le qu’en-dira-t-on et la checklist des censeurs. 

Rien de tout ça dans The Good Place. Les personnages sont aussi imparfaits que leurs intentions sont aspirationnelles. Le désir de devenir meilleur est notamment palpable car la série n’hésite pas à explorer tout ce que ce désir a de problématique et comme il est compliqué de l’assouvir. La galerie de personnages est si solidement ancrée dans leur humanité (aussi grâce aux blagues de pet) que la quête devient réelle pour nous autres spectateurs. Nous sommes venus pour rire mais en toute honnêteté The Good Place a le potentiel de nous faire pleurer (malgré ce que j’ai dit plus haut). Sa profondeur existentielle est réelle car elle est vivante. La discussion éthique que la série illustre est le reflet de la discussion qui continue à avoir lieu dans l’atelier d’écriture de la série. Une discussion qui mériterait selon moi d’être bien plus centrale dans nos vies, réelles ET pop culturelles.

Argument 4 – The Good Place est une bonne SÉRIE

De nos jours, avec l’explosion de la production étasunienne, l’hégémonie de Netflix, la popularité du binge watching et les disruptions industrielles du câble américain, on a un peu oublié ce que c’est qu’une série. Cela ne me dérange pas que beaucoup expérimentent et je n’ai rien contre l’innovation. MAIS moi j’aime les séries! J’aime que chaque épisode raconte quelque chose de particulier, j’aime qu’il y ait un début et une fin. Cela ne veut pas dire que je suis contre le feuilletonnant. Au contraire, la continuité d’une histoire d’un épisode à l’autre est une des premières choses qui m’a séduit dans Buffy. Je n’aime rient tant que les personnages qui ont une mémoire, une histoire que nous partageons avec eux. Mais cela ne veut pas dire qu’une saison doit devenir un film de 13 épisodes! The Good Place fait parfaitement la part des choses. Chaque épisode ou « chapitre » a ses trames croisées et propose une résolution… qui mène à un nouveau retournement qui tease  l’épisode suivant. Chaque chapitre est essentiel à l’histoire, mais les fils narratifs ne sont pas constamment suspendus de façon artificiels, ils se nouent, se tissent, se cachent pour mieux ressortir. Bref c’est du vrai boulot de dramaturgie sérielle!

La série est à la fois fidèle à un modèle établi et innovatrice dans sa structure, car si les étapes habituelles sont présentes: Problème/Incident déclencheur  + Tentative de plan simple qui échoue + Le Problème se complexifie + Plan/Bataille/Climax + Résolution. Les épisodes ne s’arrêtent pas là. La résolution « classique » de la trame principale est souvent au milieu de l’épisode, gardant un gros bout du temps de la narration pour pousser l’histoire plus loin. Les choses deviennent plus absurdes, plus surprenantes, mais aussi plus humaines. Car si on peut imaginer comment une histoire doit se terminer dans les règles, dans la réalité c’est souvent après ce qui est attendu que les choses deviennent intéressantes. 

Argument 5 – The Good Place EST une bonne série

Je vous l’avoue, je passe un temps peu recommandable à regarder des séries que j’ai déjà vu. J’ai beau continuer à regarder BEAUCOUP de choses, peu m’inspirent réellement. En fait c’est surtout du côté des comédies que je trouve mon compte, or elles ont structurellement moins l’opportunité de traiter de sujets profonds, en tout cas de façon frontale. (Vous devriez quand même tous regarder MomBrooklyn Nine-Nine et Superstore). J’ai l’impression que plus les séries sont devenues « ambitieuses » sur la forme moins elles le sont sur le fond… mais c’est peut-être plus simple que ça. Peut-être n’existe-t-il jamais tant de séries transcendantes que ça dans un temps T. Je crois fondamentalement que The Good Place est transcendante et puisqu’elle EST au présent, qu’elle existe en ce moment même, profitons-en! Ne faites pas partie de ces gens qui se réveillent après la bataille.

#YoureWelcome

 

Pour info la saison 3 va être diffusée au compte goute sur Netflix chez nous… comme les 2 premières saisons… donc vous n’avez pas d’excuses… Me dites pas que vous connaissez pas quelqu’un qui a un compte…

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